Religion en Albanie : diversité et cohabitation

Article

En bref — Religions en Albanie

  • Islam sunnite majoritaire : ~56 % des habitants, présence d’une minorité soufie bektachie (2 %) dont le siège mondial se trouve à Tirana.
  • Christianismes historiques : catholicisme (≈ 10 %) prédominant au nord, orthodoxie autocephale (≈ 7 %) centrée à Korçë et Gjirokastër ; églises restaurées depuis 1990.
  • État laïque depuis 1998 : aucune religion officielle ; Constitution art. 10 garantit séparation et égalité des cultes, mais l’État signe des accords de coopération avec les quatre communautés reconnues.
  • Calendrier férié pluraliste : Noël catholique (25 déc.), Noël orthodoxe (7 janv.), Nevruz bektachi (22 mars), Fitër & Kurban Bajrami (fin du Ramadan, Aïd al-Adha) sont tous chômés.
  • Cohabitation pacifique : mariages mixtes fréquents, fêtes partagées et déclarations interreligieuses communes ; pratique hebdomadaire modérée (~25 % d’assiduité), mais forte identité culturelle attachée aux rites.
Mosquée moderne avec deux minarets en Albanie, symbole de la diversité religieuse du pays où l’islam est l’une des principales religions pratiquées.

La religion en Albanie intrigue souvent : comment ce pays des Balkans concilie-t-il islam, christianisme et cohabitation religieuse ?Dans cet article, nous explorons le paysage religieux albanais, entre traditions ancrées, héritage ottoman et tolérance unique.Découvrez pourquoi l’Albanie, souvent citée en exemple, mêle pratiques culturelles, diversité des communautés et identité nationale sans conflits.

SOMMAIRE

Le paysage religieux de l'Albanie : entre diversité et harmonie

D’autres regions, comme l’Adyguée, illustrent également cette coexistence multiconfessionnelle. En Albanie, musulmans, chrétiens orthodoxes, catholiques et adeptes du bektachisme partagent un espace où la tolérance religieuse prévaut. Ce mélange reflète l’histoire complexe du pays et son ouverture actuelle, malgré des périodes de restrictions sous le communisme.

Les données du recensement de 2011 indiquent que 56,7 % de la population se déclare musulmane sunnite, 10 % catholique et 6,8 % orthodoxe. Ces chiffres, partiellement contestés, sont complétés par 2,5 % de musulmans bektachis et 2,5 % d’athées. Si certains estiment l’islam à 40-80 %, ce flou s’explique par un boycott partiel du recensement et une évolution sociétale post-communiste.

Le bektachisme, courant soufi ésotérique, mélange des éléments sunnites et chiites, prônant tolérance et ouverture. En Albanie, il représente 2,5 % de la population. Son siège mondial, basé à Tirana, symbolise l’unicité de cette branche. Contrairement au sunnisme rigide, le bektachisme permet des mariages mixtes et une spiritualité moins codifiée, renforçant la cohésion sociale albanaise.

La géographie façonne la répartition religieuse : l’islam domine en Albanie du Nord et centrale, le bektachisme dans le sud (Bulgiza, Gramsh). Les chrétiens catholiques se concentrent dans le nord-ouest, les orthodoxes dans le sud-est. Certains villages, comme ceux du sud, mixent musulmans et chrétiens, illustrant une coexistence où les fêtes religieuses sont partagées, même si les montagnes abritent davantage de communautés homogènes.

L'histoire et l'évolution des religions en Albanie

Avant l’arrivée des Ottomans au XVe siècle, le christianisme dominait en Albanie. Les Illyriens, ancêtres des Albanais, adoptent la foi chrétienne sous l’Empire romain. L’Albanie du nord reste catholique sous influence romaine, tandis que le sud bascule dans l’orthodoxie byzantine. La Via Egnatia, route stratégique, renforce ces liens religieux entre Orient et Occident.

  • Conquête ottomane progressive à partir de 1385, consolidation en 1501 après la chute de l’Albanie vénitienne.
  • Conversion accélérée via des incitations économiques (accès à l’élevage selon le système ottoman) et représailles contre les révoltes chrétiennes.
  • Islam différenciée : plus tardive dans le sud (Tosques) mais marquée par un taux d’alphabétisation élevé, contrairement au nord (Guègues).
  • Intégration culturelle et religieuse sous domination ottomane.

Entre 1967 et 1990, l’Albanie devient le premier État athée au monde sous Enver Hoxha. Environ 2200 lieux de culte sont détruits ou détournés. Les prêtres sont emprisonnés, comme Ernest Simoni Troshani, condamné 28 ans. Les croyants pratiquent discrètement chez eux, malgré la répression.

Après 1990, catholiques, orthodoxes et musulmans réorganisent leurs communautés. La Turquie finance la reconstruction de mosquées, tandis que des groupes évangéliques ou salafistes émergent. Les églises locales recrutent de nouveaux cadres, marquant une renaissance religieuse malgré les séquelles du communisme.

La cohabitation et la tolérance religieuse, marque distinctive albanaise

L’Albanie incarne une entente singulière entre musulmans, orthodoxes et catholiques. En 1998, la Constitution officialise la coexistence religieuse comme pilier de l’État. L’islam albanais, marqué par le bektachisme tolérant, et l’athéisme d’État du passé renforcent cette unité. Contrairement aux Balkans, les tensions interconfessionnelles y sont quasi-inexistantes, malgré des vagues migratoires récentes.

Les mariages mixtes entre musulmans et chrétiens sont courants, souvent dictés par des liens familiaux ou géographiques. Les fêtes religieuses se partagent selon les traditions locales, sans pression dogmatique. Peu de conversions surviennent dans ces unions, l’identité albanaise primant sur les différences confessionnelles. Cette dynamique illustre un mélange culturel unique en Europe.

« La religion des Albanais, c’est l’albanité. » Cette maxime, attribuée au poète Pashko Vasa, symbolise l’unité nationale au-dessus des croyances. Elle guide les relations interreligieuses, où le respect mutuel prévaut sur les divisions, renforçant le modèle de tolérance du pays.

  • Adoption de la Constitution de 1998 affirmant la coexistence religieuse comme principe fondamental de l’État albanais.
  • Initiatives gouvernementales post-communisme pour promouvoir l’harmonie interreligieuse par une neutralité institutionnelle.
  • Collaboration entre leaders musulmans, orthodoxes et catholiques dans des célébrations partagées ou des actions sociales communes.
  • Liberté de culte et protection des lieux de prière de toutes les confessions.

Religion et identité dans la société albanaise contemporaine

L'impact du communisme sur la pratique religieuse

Les 45 ans d’athéisme d’État ont marqué l’histoire religieuse albanaise. La foi a survécu dans les foyers, malgré les persécutions. Aujourd’hui, 60 % des Albanais se déclarent musulmans, mais peu pratiquent activement.

Après la chute du communisme, les traditions religieuses se transmettent via les aînés. Ces derniers partagent leurs souvenirs secrets, comme les prières apprises en cachette. Les communautés forment de nouveaux religieux pour restaurer les rites, malgré un manque de cadres.

En Albanie, être musulman ou chrétien relève souvent de l’identité culturelle. Peu de fidèles fréquentent régulièrement les lieux de culte. La coexistence pacifique prime sur les convictions personnelles.

La reconstruction des mosquées et églises détruites dépend du financement étranger. La Turquie soutient les projets islamiques, l’Italie les églises catholiques. L’État albanais reste neutre, laissant les communautés gérer les restorations.

Religion, politique et enjeux contemporains

L’Albanie est un État laïc depuis 1920. La Constitution de 1998 garantit la liberté de culte. Les accords avec les quatre grandes confessions (musulmans sunnites, bektachis, catholiques et orthodoxes) définissent leurs droits et obligations.

La Turquie influence l’islam modéré via des financements. Le Vatican soutient les catholiques, tandis que la Grèce et la Russie renforcent l’orthodoxie. Ces soutiens étrangers n’ont pas généré de tensions majeures, grâce à la tolérance albanaise.

Quelques groupes islamistes radicaux opèrent en Albanie. Les autorités surveillent ces mouvements, mais l’indifférence religieuse limite leur impact. Le bektachisme et l’athéisme hérités du communisme restent dominants.

L’héritage musulman ne freine pas l’intégration européenne. L’Albanie valorise sa coexistence pacifique comme un modèle. Les négociations d’adhésion à l’UE intègrent cette spécificité culturelle dans les critères politiques.

L’Albanie démontre qu’une société multiconfessionnelle peut prospérer grâce à sa volonté de paix et d’harmonie. Entre musulmans, orthodoxes et catholiques, le dialogue prévaut sur les divisions, illustrant une identité albanaise soudée malgré l’histoire mouvementée du pays. En observant ce modèle unique en Europe, on comprend mieux comment la tolérance religieuse peut devenir une force unificatrice plutôt qu’un facteur de conflit.

FAQ

Selon le recensement 2011 et les dernières estimations de l’Institut de Statistique albanais (INSTAT), l’islam sunnite représente ≈ 56 % de la population. Viennent ensuite l’orthodoxie (≈ 6,8 %), le catholicisme (≈ 10 %), l’Ordre bektachi (≈ 2 %) et environ 15 % de personnes se déclarant « sans religion ».

Le bektachisme est une confrérie soufie d’origine turco-albanaise qui mélange éléments chiites et mysticisme soufi. L’Albanie abrite le siège mondial bektachi à Tirana ; ses adeptes célèbrent des fêtes propres comme le Nevruz (22 mars) en plus des grandes dates musulmanes.

Le pays est souvent cité comme modèle de tolérance interconfessionnelle : mariages mixtes, fêtes religieuses partagées (Noël, Bayram, Pâques, Nevruz) et absence d’enclaves ethno-religieuses fermées. Les leaders des quatre cultes principaux signent régulièrement des déclarations communes pour la paix.

Oui : la Grande Mosquée Ethem Bey (Tirana) et la Cathédrale orthodoxe de la Résurrection s’ouvrent aux touristes hors office. Dans le nord, l’abbaye bénédictine de Shkodër et le tekke bektachi du Mont Tomorr (pèlerinage d’août) sont accessibles avec tenue décente.

L’athéisme d’État, imposé par le régime communiste d’Enver Hoxha, a profondément marqué les femmes en Albanie. Le Parti cherchait à rompre la transmission des traditions religieuses de la mère à l’enfant, se positionnant comme principal éducateur.

Les femmes étaient présentées comme des victimes des institutions religieuses et des systèmes socio-économiques dominés par les hommes. L’État communiste se voyait comme le seul capable d’éradiquer cette oppression religieuse.